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Full text of "Une lettre fameuse : Rabelais à Erasme"

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Heulhard 

Une lettre fameuse 



U d 7 of Ollaua 



UNE 



LETTRE FAMEUSE 



RABELAIS A ERASME 



Digitized by the Internet Archive 

in 2010 with funding from 

University of Ottawa 



http://www.archive.org/details/unelettrefameuseOOheul 



ARTHUR HEULHARD 



UNE 



LETTRE FAMEUSE 



RABELAIS A ERASME 




PARIS 

LIBRAIRIE DE L'ART 

41, rue de la Victoire 

1902 




DU MEME AUTEUR 

Ftude sur une Folie a Rome, avec un avant-propos par Albert de Lasalle et portrait de 
F. Ricci à l'eau-forte. (Bachelin-Defiorenne, 1870, in- 12.1 

La Fourchette harmonique, histoire de cette société musicale, littéraire et gastronomique. 
iLemerre, 18-2, in-12.1 

La Foire Saint-Laurent, son histoire et ses spectacles, avec plans et estampes. (Lemerre, 187S, 

in-80.) 
Jean Monnet, vie et aventures d'un entrepreneur de spectacles au xvni c siècle, avec deux 

estampes. (Lemerre, 18^4, in-8".| 
Rabelais et son maître. (Lemerre, 1884, in-8°.) 

Pierre Corneille, ses dernières années, sa mort, ses descendants. (Librairie de l'Art, 1884, in-!2.) 
Scènes de la vie fantaisiste. (Charpentier, 1884, in-12.) 
Rabelais chirurgien, avec quatre ligures. (Lemerre, i885, in-12.1 
Bravos et sifflets, aggravés d'une préface. iDupret, [886, 111-12. 1 
Rabelais légiste, avec deux fac-similés. iDupret, 1887, in- 18.) 
Entre deux stations, avec dessins de Robida. (Librairie illustrée, 1SS7, in-12.1 
François Rabelais, ses voyages en Italie, son exil à Metz, avec portrait à l'eau-forte, autographes, 

nombreuses gravures. (Librairie de l'Art, 1891, grand in-8".) 
La Ville de l'Or, projet et plan d'une Exposition financière internationale. lOllendorf, 1896, 

in-12.) 

VlLLEGAGNON, ROI d'AmÉRIQUE ( 1 5 I O- 1 5 72 1 . Un HOMME DE MER AU XVI e SIÈCLE, I vol. in-4 . 

il.eroux, 1897.) 



La Chronique Musicale, Revue de l'art ancien et moderne, 1S73-1876, 1 1 volumes grand in-S 

avec gravures et musique. 
Le Moniteur du Bibliophile, Gazette littéraire et anecdotique (en collaboration avec Jules 

Noriac), 1878-1880, 11 vol. grand in-8°, parmi lesquels : 
L'Anglais mangeur d'opium, traduit de l'anglais et augmenté par Alfred de Musset. 
Le Journal de Colletkt, premier « Petit Journal » parisien. 



roiR paraître en iyoi : 

RABELAIS ET LA RENAISSANCE 

3 vol. grand in-80, avec de nombreuses gravures. 






UNE LETTRE FAMEUSE 
RABELAIS A ÉRASME 



i 

Les philologues ont disputé longtemps sur le point de savoir à qui s'adresse une lettre 
de Rabelais, datée de Lyon, le 3o novembre i 5 32, et fameuse précisément par le débat 
qu'elle institue entre eux. S'adresse-t-elle à Bernard de Salignac ou à Érasme ? 

J'ai autrefois tenu pour Salignac, avec quelques-uns, et j'ai donné mes raisons dans 
une petite étude critique intitulée: Rabelais et son maître '. Ces raisons n'étaient pas 
péremptoires, il s'en fallait de beaucoup. Je les ai données avec toutes sortes de précau- 
tions, ayant surtout pour but de réveiller le zèle des érudits et de m'attirer des communi- 
cations que je pusse utiliser dans mes travaux sur Rabelais : « Cette glose à l'allemande, 
disais-je alors, ne saurait trouver place dans un livre qui, en dépit de tous les matériaux 
accumulés, sera traité sans pédantisme et dans le style de la narration. L'appel que 
j'adresse aux savants sera-t-il entendu ? J'en ai le ferme espoir. Pour l'honneur et le profit 
des lettres, ils m'aideront à fixer les traits de l'homme de génie qu'on a ignominieusement 
barbouillé de la lie des tonneaux, à restituer enfin son véritable rôle au philosophe 
honnête et joyeux, que les méchants et les sots ont — par rancune — essayé d'identifier 
avec Panurge. » 

Seul, un professeur à l'Université de Zurich, M. Théodore Ziesing, qui a la plus pro- 
fonde admiration pour Rabelais et qui travaille à la faire partager autour de lui, voulut 
bien prendre la peine de répondre à mon appel. M. Ziesing prépare lui aussi, un livre sur /a 
Vie et F Œuvre de François Rabelais, en plusieursvolumes, dont le premier devait paraître 
vers la fin de 1887. C'est du moins ce qu'il espérait cette année-là, mais je crains bien 
que, se trouvant comme moi-même, aux prises avec sa conscience, il ne recule devant la 
publication d'un ouvrage dont il redoute l'imperfection, car nous voici en 1902, seize 
ans se sont écoulés, et le livre annoncé n'a pas paru. Toutefois, il en a, dès 1887, extrait 
un chapitre qu'il a donné sous ce titre : Érasme ou Salignac ? et dans lequel il cherche à 
élucider la question posée par moi trois ans auparavant 2 . 

M. Ziesing y était d'autant mieux préparé que, pour le cours qu'il fit en langue 
française à l'Université de Zurich, en i883 et 1884, sur « Rabelais et la Renaissance en 
France », il avait réuni des matériaux importants, un entre autres que je ne connaissais 
que par ouï-dire: l'original même de la fameuse lettre en question. C'est l'étude de 
ce document qui lui a permis d'affirmer que Rabelais écrivait non à Salignac mais à 
Erasme. 

1. Paris, Lemerrc, 1884, ir >-8° de 32 pages. 

2. Erasme ou Salignac': Etude sur la lettre de François Rabelais avec un fac-similé de l'original de 
la bibliothèque de Zurich, par Théodore Ziesing, agrégé de l'Université de Zurich fParis, Félix Alcan, 
1887, in-8"). 



6 UNE LETTRE FAMEUSE 

Ainsi avait pensé M. Fleury dans son ouvrage sur Rabelais. De même, M. Herminjart 
en sa Correspondance des Réformateurs dans les pays de langue française. Toutefois la 
preuve manquait, et les apparences étaient contre eux. 

M. Ziesing nous a démontré une fois de plus que le vraisemblable pouvait n'être pas 
vrai : 

« La lettre de Rabelais, datée de Lyon, le 3o novembre 1 532, ne contient pas le nom 
du destinataire, dit-il. On a toujours prétendu qu'elle s'adressait à Bernard Salignac, 
sans savoir qui pouvait être ce Salignac. — Eh ! bien, elle s'adresse à Érasme. . . La preuve 
est si facile, que l'on ne conçoit pas comment des éditeurs, des commentateurs de Rabe- 
lais, crudits et analyseurs de premier ordre, aient pu se tromper et l'attribuer à un certain 
Salignac que pas un d'eux ne connaît. » 

Malgré la netteté de cette affirmation et de l'argumentation qui la suit, j'ai d'abord été 
plus ébranlé que convaincu. M. Ziesing ne nous administrait qu'une partie de la preuve ; 
mais j'ai retrouvé l'autre, et il n'y a plus l'ombre d'un doute, Rabelais s'adresse bien à 
Erasme dans la lettre que voici, latine et grecque, comme était l'usage entre gens qui se 
piquaient de savoir les deux langues L 



« A Erasmf, 
« Salut empressé, au nom de Jésus-Christ sauveur. 

« Georges d'Armagnac, très illustre évêque de Rhodez, m'envova dernièrement l'His- 
toire juive de Flavius Josèphe sur la prise de Jérusalem et me pria, au nom de notre 
vieille amitié, de vous la faire remettre à la première occasion, s'il advenait que je rencon- 
trasse un homme de confiance qui allât où vous êtes. J'ai donc saisi avec empressement 
cette occasion, qui me permet, en outre, mon excellent père, de vous témoigner par quel- 
que bon office avec quels sentiments de piété filiale je vous honore. Mon père, ai-je dit! 
plus encore! je dirais : ma mère, si votre indulgence me le permettait. Car ce que nous 

i . Erasmo S. P. a Jesu Christo servatore. 

« Gcorgius ab Arminiaco, Rutenensis episcopus clarissimus, nuper ad me misit $Xao'jiou 'Iws^çoy 
iTTOf/ïsv 'IouSaixr,v Ttep'i il.MKu; rogavitque, pro veteri nostra amicitia, ut si quando hominem otÇiiictircov 
nactus essem qui isluc proficiscerctur, eam tibi prima quaque occasione reddendam curarem. Lubens 
itaque ansam hanc arripui et occasionem tibi, pater mi humanissime, grato aliquo officio indicandi, quo 
te animo, qua te pietate colerem. Patrem te dixi, matrem etiam dicercm, si per indulgentiam mihi id 
tuam liceret. Quod enim utero gerentibus usui venire quotidic experimur, ut quos numquam viderunt 
fœtus alant, ab aerisque ambientis incommodis tueantur, aùxo toOto ffuy' ëjtaOeç, qui me tibi de facie 
ignotum, nomine etiam ignobilem sic educasti, sic castissimis divime tua- doctrinal uberibus usque aluisti, 
ut quidquid sum et valeo, tibi id uni acceptum ni teram, hominum omnium qui sunt, aut aliis erunt in 
annis, ingratissimus sim. Salve itaque etiam atque etiam, pater amantissime, pater decusque patriae, litte- 
rarum adsertnr àXeSjîxaxo;, veritatis propugnator invictissime. 

Nuper rescivi ex Hilario Bcrthulpho, quo hic utpr familiarissime, te nescio quid moliri adversus 
calumnias Hier. Aleandri, quem suspicaris sub persona factitii cujusdam Scaligeri adversum te scrip- 
siss? Non patiar te diutius animi pendere, atque hac tua suspicione falli. Nam Scaliger ipse Yeroncnsis 
est ex illa Scaiigerorum exsulum familia, exsul et ipse. Nunc veru medicum agit apud Agennates \'ir 
milli bene notus où |iù ibv Ai' z-'jZoy.i\i.i'!<)ù;, ï;n to:vuv StâëoXo; exeîvo;, w; ffUveX&vTi cpivïi, Ta |ièv tcrepixà oùx 
àvîîTi'jT7 r l !J.ii>v. r'âXXa '/-. jtdévTifi zivTw; ï6eo;, m; oùx xXXoc thotcot' oùSci;. Ejus librum nondum viiere contigit 
nec liuc tôt jam mensibus, dclatum est exemplar ullum; atque adeo suppressum pulo ab iis qui Lutctix' 
bene tibi volunt. Vale 7.-/1 eOtu^wv BiaTÉ).et. 
ci Lugduni, pridie calen. decembr. 1 5 ? 2 . 

Tuus quatenus suus. 

« F. Raiiel.esl'S, médiats. » 

M. Paul Lacroix lit ici Rabelœsius et ajoute cette note : « Il est remarquable que Rabelais traduit son 
nom en latin, de diverses façons, selon l'étymologie qu'il lui suppose: Rabeltvsus, Rabelœsius, Rablaesius, 
Rablcsus, etc.» Nous avons remarqué, au contraire, que Rabelais orthographie toujours de la même façon 
son nom latinise : RabeUvsus. 



RABELAIS A ÉRASME 7 

voyons arriver chaque jour aux femmes qui nourrissent le fruit de leurs entrailles sans 
l'avoir jamais vu, et le protègent contre les intempéries de l'air, tout cela vous l'avez 

Iccraiil fiO nrmin'ace K^uhncju ebijtObUJ Clanh. nuicr- ad me n^fvh Q KS*tffV 

■ ' ' C ' \ ' (^ ■ / " - c > ■ ' , I , . 

laicnrsrV <T<Wc\o i>iàcux.uo -vripi axpcr'cue \rogavihL p™ x/enij 
nofrm atmcif-la, ut ji auando homirrcm etPio-^-i'^Q) naffa-i eûem.ejui iMi-nc 
trWi'cipnrfw-, eut* hoj ufbnmei autour occajume rrjjsnjam curarm ■ ^ulev tfaa 
ujm h*ru arrifuj gj> occtjiorycm hb, \>akr rm hu^amjr- fnt+o «.haut c cu > \nJb-^ 
^.yo homme, juapt ftft- a *t cAefPm ■ T^otn-m h> dizi ^ahrm e+i a „ àcerrv 
fi j-o- mldftnfiatn ™fn iJ -tua» Ucmi- Q_mJ .„ . uhn gere^lui ufu -veir^ 
yÙHJte commun +]w Wjuan -v'tdtrunh, jjUu Ja^ J ^ n L ^^ 



oujto -ry-ro cru; 



ètrU U4^ filuifi] , * JHiJjA fim tf^dco . \%) }J ^ acctbtum ^ frmn, , 
Utrmm onuiwn juijun^avfakjf frw*f i„ amlu \ng%fr[t>mu.f fim fdvc ihieiur 
éimah^eHa» ^«hramu^Jj. f«h>r- Itc'ui+bahiéF . (ihnnm «j]?rh>^ ^\t|/- 
l^^e ■verlhlht ^tfufrutb*- invichjf. J^crrrjav, e x MiLnolt>crhd- 
bhe , otu.o nie ufior ■pMmliartJJi'nf . if m>Jcu> am4 malin ùverlum calumutaf f-f/cr: 
filtufiJri . 4utMjuJf>icary JuÀ berjoM fac+ihf 'cu.jujetam jealureq aluerjum rp JcniJiJL. 

îttlùrtr i/bfe TJersrrtnf'u eh, ex >^ Je auge n*™») exJanja^ltA^xuié-^Jç^- 
Oïunt -vtrv nveltadn a.£^-ai>uJ AjTcnafos , -oirrmhj orne noiu/ . y f-is*. top 

"snvrrcoi a ^)'î(§y~~î us V*. MAt^T* ~~crcj-7ro! %J qs ■ £ju4 UÙnm noxJui» 
v\lm <enfag,i- mc Kuc tvf- \a*n rrycnfioui wlthm efî-vzLçM&r uMun , ahup *Are 
;*ftrrlJiHi>b>tfo a\> uf a ni ^Urlif vp»p ht/ -vclu>rrf—-1J } ale J(c?j <kx>-ruyajp 
'tiLrrÙ ■ *S*gdut>t \nî*e L'ai- Decenbv- if}2.- 

J~~li4tf auahfun JmU. 



âtCdlf ■ 



éprouvé aussi, vous qui, ne connaissant ni mon visage ni même mon nom, m'avez élevé 
et abreuvé aux chastes mamelles de votre divine science. Oui, tout ce que je suis, tout ce 
que je vaux, c'est de vous seul que je le tiens, et, si je ne le crie bien haut, que je sois le 



8 UNE LETTRE FAMEUSE 

plus ingrat des hommes présents ou futurs. Salut, salut encore, père chéri, père et hon- 
neur de la patrie, génie tutélaire des lettres, invincible champion de la vérité. 

« J'ai appris dernièrement par Hilaire Bertolph, avec qui j'ai ici des relations fami- 
lières, que vous prépariez je ne sais quelle réponse aux calomnies de Jérôme Aléandre 
que vous soupçonnez d'avoir écrit contre vous sous le faux nom d'un certain Scaliger. Je 
ne veux pas que vous sovez plus longtemps en peine et que vos soupçons vous trompent, 
car Scaliger existe. C'est un Véronais de la famille des Scaliger exilés, exilé lui-même. Il 
exerce à présent la médecine à Agen. Cet homme m'est bien connu: loin d'être estimé, il 
n'est, à tout prendre, que le calomniateur en question ; en médecine, il peut avoir quelque 
compétence, mais en fait, il n'est qu'un athée insigne autant qu'on l'a jamais été. Il ne 
m'a pas encore été donné de voir son livre, et, depuis tant de mois déjà, aucun exemplaire 
n'en est parvenu jusqu'ici; en sorte que je suppose qu'il aura été supprimé par ceux qui 
s'intéressent à vous à Paris. 

« Adieu, et soyez heureux. 

« Lyon, 3o novembre i532. 

« A vous autant qu'on puisse se donner. 
u François Rabelais, médecin. 

Comment n'être pas frappé du ton d'enthousiasme qui règne dans cette lettre? Rabelais 
avait de la reconnaissance, et, à travers les éclaircies de son oeuvre touffue, il en a donné 
plus d'un témoignage à ceux qui le protégèrent, au cardinal du Bellay, au juriste Tira- 
queau, à d'Estissac, évéque de Maillezais, à Odet, cardinal de Chàtillon, à d'autres encore, 
qu'ils fussent d'épée ou de robe; mais à personne avec cette éloquence presque romaine, 
avec cette solennité presque religieuse. Ailleurs, c'est l'accent d'une gratitude où il entre 
de la courtoisie; ici c'est véritablement l'expression émue de la piété filiale. 



II 

Cette lettre tant controversée a été publiée pour la première fois en 1702 par Jean 
Brant, à Amsterdam, dans le recueil intitulé : Clarorum virorum Epistolœ centum ineditœ, 
ex museo Johannis Brant. Et ce diable de Brant — Dieu me pardonne de parler ainsi d'un 
théologien — a trompé plusieurs générations de savants, en la donnant comme adressée 
formellement à Bernard Salignac. Cette suscription arbitraire est la cause de l'erreur où 
sont tombés tour à tour des hommes comme le Père Nicéron, La Monnoye. Johanneau, 
Paul Lacroix, Quicherat, Régis, dans son édition allemande de Rabelais, Raihery et 
Burgaud des Marets, Jannet, Marty-Laveaux, Louis Moland, tous enfin, sauf M. Fleury, 
que son intuition a parfaitement servi dans la circonstance. Les plus forts d'entre eux 
sont précisément ceux qui se sont le plus égarés, parce que ce sont eux qui pouvaient aller 
le plus loin. 

Le point de départ était faux, nous avons tous terriblement battu la campagne. 

Tout d'abord on chercha qui pouvait bien être ce Salignac et on ne trouva pas. La 
plupart, faute d'avoir collationné la lettre sur le texte de Brant, qui porte en entier le pré- 
nom du destinataire supposé, voulaient qu'elle fût adressée à Barthélémy de Salignac. 
gentilhomme berruver. C'était l'opinion de M. Paul Lacroix. Barthélémy de Salignac, 
protonotaire du Saint-Siège apostolique et professeur en chacun droit, est l'auteur d'un 
Voyage en Terre-Sainte dont la première édition est de Lyon, 1 525, chez Gilbert de 
Villiers. A la rigueur, cela pouvait aller. 

Bien avant Paul Lacroix, les éditeurs et annotateurs de la Bibliothèque Française de 
Lacroix Du Maine et du Verdier avaient hésité entre Bertrand de Salignac, gentilhomme 
périgourdirr, dont les voyages diplomatiques sont suffisamment connus, ainsi que ses 
divers écrits (notamment le Discours du siège de Met{ en i552 , et Bernard de Salignac, 



I 



RABELAIS A ÉRASME g 

qui a écrit des traités de mathématiques et de grammaire. Mais, Bertrand étant mort à 
Bordeaux en i5qq, ei. Bernard ayant surtout vécu dans la seconde moitié du xvi e siècle, 
il y avait peu de chances pour qu'il s'agit de l'un ou de l'autre. Car il fallait chercher uni- 
quement parmi les Salignac qui pouvaient avoir mérité cette reconnaissance d'élève à 
maître, dont la lettre de Rabelais nous rend témoignage, et il fallait nécessairement que 
le maître fut plus âgé que l'élève. Cela ne s'accordait pas avec ce qu'on savait de Bertrand 
et de Bernard. 

Il plaisait à quelques-uns de penser que Rabelais, au moment d'entrer dans la carrière 
où il allait briller, s'était tourné vers le vieux précepteur de ses jeunes années, et qu'ému 
de tant de modestie jointe à tant de mérites, il avait voulu s'incliner humblement devant 
cette gloire pédagogique ignorée du vulgaire. C'est dans ce sentiment que M. Rathery 
avait travaillé à dégager l'identité de Bernard. M. Quicherat, qui dirigea l'École des 
Chartes et qui certes avait qualité pour cela, s'est prononcé à son tour. C'est, pensait- 
on, quelque moine très obscur et pourtant très savant (il y en eut des exemples) qui aura 
fait la première éducation de Rabelais. Et alors M. Quicherat appelait à la rescousse le 
poète latin Voulté ', lequel nomme dans ses vers un Salignac qui répond bien à cette 
idée : 



A Joachim Pkrion - 

« Erasme veut-il prouver qu'un homme est insensé, imbécile, impudent, inepte, que 
dis-je ? obscur et ténébreux, il le dit moine; bien! Mais il en est trois ou quatre en ce 
monde qui font mentir ouvertement Érasme, et dont les noms sont plus brillants que la 
lumière. Connais-tu Courtois et Dampierre ? Connais-tu Denis et, sans te compter, 
Pylade et Salignac? Ceux-là sont des moines, hommes pieux, savants et déjà célèbres de 
tous côtés, qui prouvent qu'Erasme (je ne veux rien ôter au mort) en a parlé à la légère : 
mais il n'a pas parlé, je pense, en général. » 

M. Quicherat observait que Voulté avait été de la société de Rabelais. Il ajoutait que 
Salignac était un religieux, on ne pouvait le confondre avec Barthélémy et Bertrand. 
Quant au Pylade dont le nom est accolé à celui de Salignac, ce pourrait bien être Rabe- 
lais lui-même, quoique Rabelais fût déjà relevé de ses vœux à l'époque où ces vers furent 
composés. Mais la qualification de Voulté ne laissait pas de rester vraie, puisque Rabelais 
s'est distingué comme humaniste, lorsqu'il portait encore l'habit de Saint-François. Cela 

i. Hendecasyllabes, lib. i, p. 21. 

2. Ad Joach. Perionium 

Si qucmquam voluit probare Erasmus 

Insulsum, stolidum, impudentem, ineptum 

Obscurum insuper, et tenebricosum, 

Hune dixit Monachum; bene ille certe ! At 

Très aut quattuor hoc in orbe sunt, qui 

Mcndacem faciunt, probantque Erasmum, 

Quorum nomina clariora luce. 

Nostin Cortesiumque Dampetrumque ? 

Cognostin Dionvsium, tacebo 

Te, nostin Pyladem, Salinacumque ? 

Ii sunt monachi, pii, periti, 

Passira jam célèbres viri, qui Erasmum '. 

(Detractum volo jam nihil sepulto) 

Mendacem faciunt, probantque vanum, 

At non in génère est, puto, loquutus. 
1. Joachim Perion, né à Cormery en Touraine en 1499. Entré dans l'ordre des Dominicains en 1527, 
il se rendit ensuite à Paris, où il prit le grade de docteur en théologie en 1542, et retourna, en 1 547, 
dans son pays natal, où il mourut en 1339, après avoir écrit de nombreux ouvrages dont le plus connu 
est un Discours contre Ramus. 



IO 



UNE LETTRE FAMEUSE 



résultait des lettres de Budé, dans l'une desquelles le jeune cordelier est désigné déjà sous 
le nom de Pylade '. 

A son tour, M. Rathery, influencé par l'autorité d'un juge tel que M. Quicherat, 

consentait a reconnaître le précepteur de 
Rabelais dans le Salinacusde Voulté,et,dans 
le Pylade anonvme, Rabelais lui-même 2 . 

Mais si MM. Rathery et Quicherat 
avaient eu le loisir de pousser plus loin 
leurs investigations dans les poésies latines 
du xvi e siècle, ils se seraient convaincus 
que « Pylade » n'est point employé au figuré 
pour désigner le légendaire ami d'Oreste, 
et que ce Pvlade a existé en chair et en os. 
Il fut moine comme Rabelais, qu'il connut 
probablement, étant fort répandu dans le 
cercle savant où fréquentait maître François. 
On trouve dans les Odes et dans les Hymnes 3 
de Salmon Maigret des pièces sur Pvlade, 
« de Petro Pylade monacho salictano. » 
Pierre Pylade était chargé de l'éducation 
des religieuses au prieuré de la Saussaie, 
dans les environs de Paris. Et ensuite il 
devint précepteur des enfants de Renée de 
France, à Ferrare*. 

Là encore, l'ingénieux échafaudage des 
érudits tombait. 

Voilà pour Pylade. Des autres person- 
nages cités par Voulté, nous ne connaissons 
bien que Dampetrus, Dampierre. Cortcesius 
est peut-être Hilaire Courtois, d'Evrcux, 
auteur de poésies latines imprimées en i 535, 
à Paris, chez Simon de Colines, sous le 
titre de Volantillee. Il ne parait pas qu'il fût 
entré dans les ordres lors de cette publica- 
tion, dans laquelle on trouve des pièces 
dédiées à Guillaume Courtois, médecin 
d'Orléans, Martinus Lateranus, docteur en 
théologie, son grand ami, à Jean Morel, 
médecin, à Rabenidus, imprimeur, à Guil- 
laume Lateranus, orateur éloquent, à Leodegardus Courtois, médecin, son parrain. Les 

i. Quelques traits à ajouter à la vie de Rabelais, article de ^Correspondance littéraire, tome III page 414. 

2. Notice biographique en tête des Œuvres de Rabelais. Did.it, 1S72. 

3. « Virgines sanctè Domino dicatas erudit, dit Maigret, Hymnes. 

4. Lettres à Dampierre, de Fer rare, six ides de novembre [ 5 4.5. Bibliothèque de Perne, vol. E.45o,ép. 80. 
Une lettre de Calvin, de Paris. 27 juin i53i, nous permet de croire que Pylade était m le. mais. 

Calvin écrit à François Daniel, à Orléans, pour lui rendre compte de la mission qu'il a reçue de lui et 
de sa famille si hospitalière aux gens de lettres. Il s'est rendu au couvent qu'habite la sœur de Daniel, 
et là il a appris qu'elle avait obtenu des religieuses l'autorisation de prononcer ses voeux : « Sui tes 
entreiaites, l'abbesse est an 1 1 mme je la pressais d'arrêter un jour, elle m'a permis de le choisir, 

à une condition toutefois, c'est que Pylade se; an préseill p/OUS aurez celui-ci a Orléans d'ici huit joui s . 
Ainsi, dans l'impossibilité de passer outre, nous nous en sommes rapportés à la déci-ion de Pylade.» 

•■ Inter liœc colloquia abatissa locum milii dédit sui conveniendi. Cum urgerem nt diem preescriberet, 
vermisit mihi détection, verùm adjecta conditione ut Pylades adtsset, quem habebitis Aurélia' intra octo 
dies. Ita, cum certius transigi non posset, detulimus arbitrium Pylaii. (Herminjart, livre déjà cité.) 




ERASME. 

D'après l'estampe d'Holbein. 



RABELAIS A ERASME u 

Lateranus (Delattre ?), avec qui Courtois était si lié, comptent aussi parmi les amis 
de Rabelais. 

Dyonisius, Denis, nous est inconnu. 

Vaines recherches ! La suscription donnée par Brant était fausse. 

III 

Mais d'abord examinons l'autographe de Rabelais, d'après le manuscrit conservé à la 
Bibliothèque de Zurich. Ce manuscrit est-il bien autographe? Je suis disposé à le croire. 
C'est un simple feuillet : pas de nom de destinataire, rien d'écrit au verso. L'adresse se 
trouvait donc au dos d'un second feuillet qui a disparu depuis longtemps, il n'existait 
déjà plus lorsque le savant Hottinger possédait la lettre, vers le milieu du xvn e siècle. Le 
feuillet qui subsiste est plié en trois, dans la forme qu'il avait lorsque la lettre fut envoyée. 

Les lettres autographes de Rabelais, qui cependant ont dû être nombreuses, sont 
aujourd'hui rarissimes. Il y en avait deux dans la collection Benjamin Fillon. L'une d'elles 
était adressée à Budé, avec le nom du destinataire au dos : Domino Guliehno Budœo, et 
celui de l'envoyeur : Rabelœsus, précaution renouvelée en tète delà première page. Elle 
portait des traces de cachet. Rien de pareil dans la lettre conservée à Zurich qui, par la 
faute du temps, ne nomme plus celui à qui Rabelais l'adressait. L'écriture offre des res- 
semblances, mais aussi des différences sensibles avec celle de la lettre de Budé qui date 
de l'époque où Rabelais était moine à Fontenay, et qui est encore sous l'influence de la 
gothique. Rabelais modifie sa main au fur et à mesure qu'il avance, je ne dirai pas en 
âge, mais en étude. Elle est plus menue, mais plus simple dans ce cas-ci, et se rapproche 
des caractères italiques employés en imprimerie par l'ami Sébastien Gryphe. C'est dire 
qu'elle est nette et bien formée, parfois lisible comme de la typographie. La signature 
m'étonne un peu dans l'F de Franciscus qui ne ressemble à aucun des F de comparaison 
que je connais, mais passons. 

D'où Hottinger tenait-il cette lettre ? On ne sait. 

Ce qui est certain, c'est qu'il la possédait avant i65o'.et qu'à cette date elle faisait 
partie de ses collections. Hottinger, qui était Zurichois, avait professé à Heidelberg, et il 
se préparait à aller à Leyde lorsqu'il mourut à Zurich en 1667. Il avait formé un précieux 
recueil de lettres originales des xvi e et xvn e siècles que ses héritiers donnèrent à la Biblio- 
thèque des Chanoines du Grossmunster. De là, ce recueil est passé à la Stiftsbibliothck, 
bibliothèque du Carolinum, et, en i832 ou i836, à la bibliothèque de la ville où il se 
trouve actuellement. Hottinger ne semble pas s'être préoccupé de savoir à qui s'adresse 
la lettre de Rabelais; elle l'a intéressé cependant par le sujet, car elle porte en tête une 
annotation de sa main 3 : •< Sur l'audace de Scaliger et son esprit profane. >< 

D'où vient donc que Brant a lu « Bernard Salignac » sur la lettre, alors qu'il n'y arien 
de pareil ni d'approchant dans l'original? 

C'est Jean Le Clerc et Scherpezelius qui lui avaient communiqué les lettres du cardi- 
nal Sadolet, de Rabelais et d'Antoine Rivet qu'il reproduit dans son recueil, il nous le dit 

1. M. Ziesing. Erasme ou Salignac. 

2. Tome XI, p. 5ôo du Thésaurus Hottingerianus. En tète de la lettre de Rabelais, on lit ces mots : 
« Aléander personat. Scaliger. De Scaligeri audacia et mente profano. » La bibliothèque de la ville de 
Zurich possède également une copie de la lettre en question : elle a ete faite entre tyio et 1760) par 
Simler pour sa collection de copies, connue sous le nom de Collectio Simleriana. Elle a été' indubita- 
blement prise sur l'original d'Hottingcr, et elle est de Simler lui-même qui renvoie au tome XI du Thé- 
saurus hottingerianus. Elle a pour suscription : Rabelœsus ad NX. 

Ces deux NN ont été remplacées depuis par Bernardum Salignacum, d'après la suscription que donne 
Brant par qui la lettre a été éditée en 1702. On lit, en effet, le long du coté gauche de la copie, une 
mention qui renvoie à Brant (Amsterdam, 1702 et 1 7 1 5). I.e long du côté droit, on en lit une autre, faite 
postérieurement, et qui renvoie à Buscher, lequel, en 17S4, dit la lettre adressée à Erasme. 



12 UNE LETTRE FAMEUSE 

dans sa préface. Jl demande au lecteur de les en remercier spécialement; les autres lettres 
étaient déjà imprimées, elles allaient paraître, mais celles-ci lui ont semblé de telle impor- 
tance qu'il n'a pas hésité à les joindre à la collection. On peut évidemment se demander 
s'il n'y a pas mis un peu de précipitation, mais comme son volume contient une table et 
une page d'errata, il avait deux moyens de rectifier une erreur. 

Qu'il tienne la lettre de Le Clerc ou de Scherpezelius, peu importe. La voici entre ses 
mains, il la copie, il en relève la suscription. Avec soin? Sans doute. Ceux qui la lui 
ont donnée sont encore vivants : Le Clerc notamment ne mourut que beaucoup plus tard. 
S'il lui prend fantaisie de changer la suscription ou simplement de l'altérer, Le Clerc et 
Scherpezelius sont là qui protesteront contre la supercherie. On peut donc être certain que, 
soit conscience, soit prudence, il l'a transcrite littéralement. Au surplus, Jean Brant est 
un homme sérieux, théologien et fils de théologien, savant et fils de savant, Hollandais 
avant tout : si la lettre ne contient aucune indication, on se demande par quelle opération 
de l'esprit il aurait mis le nom de l'obscur Salignac là où il eût pu mettre celui d'un com- 
patriote, le grand Erasme. Dans le doute il eût mis : Incerlo. Donc elle portait l'adresse 
ou la mention : Bernardo Salignaco. 

Si c'est de Le Clerc qu'il la tient, et je le crois, Le Clerc est impardonnable, car il con- 
naissait la vie d'Erasme mieux que personne; dans le moment même où il communiquait 
la lettre de Rabelais à Brant, il poursuivait son édition complète des Œuvres d'Erasme, et 
il venait de ranger toute la correspondance du grand homme dont le recueil troisième 
volume de l'édition) était en quelque sorte sous presse. Alors comment expliquer, qu'édi- 
teur des lettres d'Erasme et encore tout plein de son sujet, il ait pu donner celle de 
Rabelais comme adressée à Bernard Salignac, alors qu'il pouvait se rappeler les incidents 
de la guerre déclarée par Scaliger à Erasme, les soupçons qui avaient excité celui-ci contre 
Aléandre, et par conséquent toutes les circonstances qui lui permettaient de dire à Brant : 
« Rabelais écrit à Erasme ? » 

Le culte d'Érasme était héréditaire dans la famille de Jean Le Clerc, dont le père 
descendait de Guillaume Copus, médecin de François I er , celui-là même qui soigna et 
guérit Erasme lors de son séjour à Paris, au commencement du xvi° siècle. Guillaume 
Copus était le bisaïeul maternel d'Etienne Le Clerc, père de notre Le Clerc. Enfin, non 
content de publier la correspondance d'Érasme , Le Clerc en fit l'analyse dans sa 
Hibliothèqiie choisie, et revit une seconde fois toutes les pièces de la cause. Le Clerc 
avait tous les moyens de rectifier son erreur, s'il eût jugé l'avoir commise. Il pouvait 
dire : « Nous nous sommes trompés en 1702, Brant et moi, nous avons donné la lettre 
de Rabelais comme adressée à Bernard Salignac; en réalité, elle l'est à Érasme. » 

Évidemment, Brant n'eut en mains qu'une copie, cela est certain, puisque l'original 
était à Zurich ( . Mais sur cette copie il faut absolument qu'il y ait eu le nom de Bernard 
Salignac. Entre tant de héros, on ne choisit pas Childebrand sans cause. Il faut, 
je le répète, ou que la copie ait porté quelque part le nom de Bernard Salignac, ou 
que Brant soit un imposteur, et avec lui Le Clerc ou Scherpezelius, qui ont forgé une 
suscription là où il n'y en avait pas. 

Notons que cette copie était assez ancienne pour que nos gens, dans leur ignorance de 
l'écriture de Rabelais — ignorance explicable et excusable par l'insigne rareté des spéci- 
mens — aient pu la prendre pour l'original lui-même. Si elle eût été faite sur l'autographe 
que possédait Hoitingcr, elle n'aurait pas eu de suscription du tout, puisqu'il n'y en avait 

1 . 11 11c saurait y avoir deux originaux, ci nous devons admettre que la lettre présentée par Burscher, 
en 1784, comme étant l'autographe, est une autre copie. Burscher croyait fermement posséder l'original. 
11 ne parait pas avoir soupçonné que la lettre se trouvait, manuscrite, dans les collections d'Hotlinger 
depuis prés dj cent cinquante ans, et imprimée dans le Recueil de Brant depuis plus de quatre-vingts 
ans. Il ne se doute pas que chez Hottinger elle ne portait pas de suscription, et que chez Brant elle est 
adressée à Bernard Salignac. En tout cas, il voit juste, quand il dit le premier : « La lettre s'adresse à 
ICrasme. » 



RABELAIS A ERASME i3 

pas, le feuillet qui la contenait ayant disparu. Elle a été faite avant que l'original ne vint 
aux mains d'Hottinger, et peut-être restait-il encore, à ce moment, quelque fragment du 
second feuillet sur lequel il y avait le nom de Bernard Salignac. 

Dans cette hypothèse, Bernard Salignac serait simplement le porteur de la lettre, et 
Brant l'aurait pris pour le destinataire. Rabelais aurait mis quelque part : « A Bernardo 
Salignaco mittenda »,ou « ferenda », ou « Bernardo Salignaco has litteras committo », ou 
toute autre mention destinée à présenter le porteur au destinataire. Et alors la question 
se pose, moins pressante, mais intéressante encore, de savoir quel est ce Bernard Salignac 
à qui Rabelais aurait confié la mission de porter à Erasme le manuscrit de Flavius 
Josèphe et la lettre qui accompagnait ce précieux envoi. Ce n'était pas une petite affaire, 
et nous voyons que Georges d'Armagnac, le savant évêque de Rhodez, recommande bien 
à Rabelais de n'employer qu'un homme absolument sûr. 

En dehors de la famille périgourdine des Salignac dont était Bertrand, à laquelle se 
rattachait Barthélémy et d'où est issu notre grand Fénelon, (famille qui s'est illustrée à la 
guerre, dans les lettres et dans la diplomatie) il v avait d'autres Salignac ou Sallignas, 
originaires de la Bresse, et qui se distinguèrent à l'Université de Paris ' . C'est peut-être 
un de ceux-là que Rabelais chargea d'aller vers Erasme, à Fribourg-en-Brisgau. L'un 
d'eux, en effet, répondait au prénom de Bernard et fut régent du collège du Mans en i5_p. 

11 se peut très bien que Rabelais ait connu un membre de cette famille, car il eut des 
amis dans la Bresse (où il a peut-être séjourné), ne fût-ce que le commandeur de Bourg, 
le bon Antoine de Saix, à qui il envoie un trait plein de cordialité dans Gargantua J . 

i. Jérôme de Salinas, qui eau de Bourg-en-Bresse, « socius Sorbonicus >■, fut élu recieur ie 24. mars 
1:29. (Du Boulay, histoire de l'Université.) D'Argcntré nous apprend qu'en i533, à la requête de Pierre 
Cornu et autres maîtres, la Faculté de théologie s'assembla pour prendre des mesures coercitives contre 
les docteurs, bacheliers et étudiants de ladite Faculté suspects de propositions hérétiques, et que, le 

12 ja' vier notamment, '• plainte fut portée au nom du syndic contre deux bacheliers : de Suptiis, de 
l'ordre des frères mineurs, et de Sallignas, du grand Monastère, a cause de leur doctrine; sur quoi il fut 
dit qu'ils n'argumenteraient plus dans l'école avant de s'être lavés de ce qu'on leur imputait. Anno Domini 
1 533, die 1; mensis januarii... 

« Item Cuit facta querimonia de duobus Baccalaureis per Dominum syndicum, videlicet, de Nuptiis 
Ord. FF. min. et de Sallignas Ord. Majoris Monastcrii propter doctrinam eorum : et dictum fuit quod 
r.on argumentabuntur in schola, donec fuerint purgati d; aliquibus eis impositis. >• D'Argcntré. Collectio 
jiidiciorum de novis errovibus, t. 1, Index, p. - .' 

Et, en effet, le 29 du même mois, maître Jérôme Sallignas (c'est de lui qu'il s'agit) comparut devant 
la Faculté réunie aux Mathurins, pour entendre la lecture des thèses des candidats à la licence. Beda, 
syndic, releva dans la thèse de Jérôme Sallignas diverses assertions contre lesquelles il requit, et s'opposa 
à sa nomination avant que la Faculté eût statué sur l'orthodoxie desdites assenions. Sallignas déclara 
se soumettre d'avance à l'opinion de la Faculté là dessus et n'y sous-entendre malice aucune. 

Mais les sorbonieoles ne se laissèrent pas convaincre, si nous en croyons Oswald Myconius, qui 
écrit ceci à Bullinger, de Bàlc, le 8 avril 1 334, d'après des nouvelles de Paris : -c Deux évéques, ceux de 
« Paris et de Senlis, sont en mauvaise odeur pour cause de luthéranisme. .. Salinas, moine parlant trois 
11 langues, a été chassé de la Faculté de théologie. » Episcopi duo, Parisiensis et Sanlius malè audiunt 
propter Lutheranismum. . . Salinas, Monachus trilinguis, extra synagogam ejectus est theologorum. 
(Herminjast, ouvrage cité). L'évéque de Paris était Jean du Bellay, celui de Senlis, Guillaume Petit. 
Quant à Salinas, je doute qu'il s'agisse d'un autre que maître Jérôme, lequel est bénédictin. C'est, je crois, 
le Salinacus que Voulté nomme dans les vers que j'ai cités. 

2. L'Histoire de l'Université, par Du Boulay, nous appiend que BernarJinus de Salinas. originaire 
de i; >urg cjinne Jérôme, tut élu recteur de l'Université de Paris le 10 octobre 1546. Il suppose que c'est 
le même homme que Bernard Salinas, régent du Collège du Mans en 1 b+b . 

Maintenant, ce Bernard de Salignas est-il le même que Bernard de Salignac, le grammairien et théo- 
logien: Je le crois. Salinas, Sallignas ou Salignac, c'est tout un, vu la manie des latinisations. Sa vie 
active s'est écoulée hors de France; il avait embrassé le parti de la Réforme et s'itait assuré un refuge 
dans les pays protestants d'Allemagne et de Suisse. Il était disciple de Ramus. La Bibliothèque Nationale 
a de lui : Mesolabii expositio Bern. Salignaco authore, 1374, Genève, apud Artusium Calvinum, in-S°, 
avec cette dédicace : ■< B. Salignacus illustrissimo Fr. Fuxio Comiti Candala: S. » Salignac lui dédie la 
la solution de ce problème de géométrie comme à un moderne Euclide (avril i'74 ■ Le même est l'auteur 
d'un Tractatus arithmetici partium et alligationis, Francofurti, apud Andream Wechelium, >?~ï, in-8", 
dédié à Frédéric duc de Bavière, Nehausii, 1:175. Salignac s'y déclare ardent défenseur du Christ, dépo- 
sitaire de toute sagesse et vérité, et félicite le prince de l'appui qu'il prête à ceux qui sont exilés pour la 



14 



UNE LETTRE FAMEUSE 



Si Bernard Salignac ne fut pas le messager, une autre hypothèse se présente, qui 
offre de la vraisemblance. La vie de Bernard Salignac s'est écoulée en Allemagne; il y est 
mort vers la fin du xvi c siècle. Ne se peut-il que la lettre de Rabelais lui soit venue 
entre les mains à la mon d'Episcopius ou d'Amerbaeh, à qui Erasme légua tous ses 
papiers? Original ou copie, il . v aura inscrit son nom en quelque coin pour marquer sa 




TTV X 



JULES -CES AU se A LU, Kl! EN [558. 



propriété d'un signe, et c'est cette innocente mention qui, mal interprétée par Brant, est 
devenue suscription un siècle plus tard. 

Nous sommes tous ailes buter ci mire cette malencontreuse adresse qui semblait avoir 
tous les caractères de l'authenticité et s'offrait sous la garantie d'un homme dont le crédit 
n'était pas contesté. 

Mais alors, on peut donc eue trompé par un théologien? 



foi. Les abréviateurs a continualeui s de Gesner, Simler et Frisius lui attribuent, en outre, les uu\ rages 
suivants : Arithmeticco libri II. libri II, cum demonstrationibus, Francofurti, upini Weche- 

lium. i?8o, in-j.": Régula veri, Heide! in-8 ; Rudimenta greca précipite ex Pétri Rami 

grammaticis, Francofurti, apud Wechelium, t.58o, in-8°. 



RABELAIS A ERASME i5 



IV 



Quand on se confesse, il faut que ce soit complètement. 

M. Ziesing nous ménage trop en nous disant que Brant est le seul coupable. Nous 
avons tous notre part de faute. Si nous avions soumis la lettre à une critique attentive, 
nous aurions découvert que Bernard Salignac n'a pu être le maître de Rabelais. 

En effet, Rabelais avoue que ce prétendu maure ne l'a jamais vu ; ce n'est pas la con- 
dition ordinaire d'un élève. Mais le problème d'histoire nous a touchés plus que le 
reste. Ne doutant point que Rabelais s'adressât à Salignac, nous avons cherché le lien 
qui les unissait, et nous avons trouvé celui de l'éducation, qui se présentait le plus natu- 
rellement à l'esprit. 

De cela Brant est innocent: c'est nous qui nous sommes trompés. 
Pour avoir voulu serrer de trop près le mot à mot, nous n'avons pas bien saisi le sens 
intime de la phrase où Rabelais compare aune femme enceinte l'homme à qui il écrit. 
Ce serait une image fort osée et qui friserait le ridicule, si elle ne se sauvait par l'exacti- 
tude. C'est « sans l'avoir vu, sans même le connaître de nom », que le destinataire l'a 
nourri et élevé spirituellement: Rabelais est le fruit d'entrailles qui l'ignorent. Or, c'est un 
médecin, c'est Rabelais qui parle; nous aurions dû voir qu'en empruntant sa comparaison 
au phénomène de la gestation pendant laquelle ni la mère ni l'enfant ne se connaissent, 
il traduisait un fait incontestable. 

Or, quelque vertu que nous prétassions à Salignac, nous savions qu'il n'était pas de 
ces génies dont l'influence s'exerce à travers l'espace, sans le secours du contact. C'était 
même une raison, plus forte que beaucoup de déductions ou de rapprochements, pour que 
Rabelais ne s'adressât pas à un homme inconnu de l'histoire. Celui à qui parle Rabelais 
l'a nourri et élevé sans l'avoir vu, « sans même le connaître de nom », ce ne pouvait être 
qu'un génie universel. 

Voilà où nous fûmes vraiment en défaut. Et cela doit engager M. Ziesing à la pru- 
dence, lorsqu'il examinera les rapports de Rabelais avec Érasme; ils semblent bien n'avoir 
jamais été que spirituels, au moins jusqu'en i 532. 

Où se seraient-ils vus? En 1496, à Paris, lorsque Erasme fut au collège de Montaigu, 
ou lorsqu'il y revint l'année suivante? Rabelais n'était peut-être pas né. A Orléans, à la 
fin de 1497 et de 1499? A Paris, en i5oo? Dans l'Orléanais, chez Tutor, chez l'abbé de 
Saint-Bertin, en 1 5oi ? A Paris de nouveau, en i5o3 et i5o4?A Orléans, chez Nicolas 
Bérauld, en 1 5o6 ? A Lyon, la même année, lorsque Erasme alla en Italie, ou en 1 5 2 1 \ si 
toutefois il y est revenu à cette date ? Pas davantage. 

A Besançon, lorsqu'il fut l'hôte de Carondelet, dans les beaux jours de 1524? Non 
plus. Rabelais était à Maillezais. 

A la date où il écrit, novembre i532, à moins qu'il n'ait fait le voyage de Bàle ou de 
Fribourg-en-Brisgau ^vovage dont il ne reste aucune trace), Rabelais n'a jamais vu 
Érasme; il est le fils spirituel d'un père qui, de son coté, ne connaît son fils que parla 
correspondance de Budé, de [523, les Lettres médicales de Manardi, le Testament de 
Cuspidius et les traités d'Hippocrateel de Galien parus chez Gryphe, dans l'été de la même 
année, en supposant que ces nouveautés lui soient parvenues. C'est à peine si Gargantua 
a mis son nez à la boutique des libraires. Donc, pas d'adoption : paternité purement litté- 
raire, filiation purement philosophique; je dirai bientôt (Fan prochain, j'espère) ce qu'il en 
faut penser. 

Comment Scaliger discourut contre Érasme à propos de Cicéron, et pourquoi Erasme 

1. M. PcrjcauJ, Érasmedans ses rapports avec Lyon. (Lyon, 1843, in-S".) Mais il n'en fournit aucune 
preuve. 



i6 UNE LETTRE FAMEUSE 

soupçonne Aléandre d'avoir écrit le discours, je ne le dirai pas cette fois-ci. Érasme tenait 
tellement à ce que le pamphlet fût d'Aléandre, que je ne sais si Rabelais lui fut agréable 
en lui révélant l'existence de Scaliger. 

IV 

Mais l'occasion de le détromper s'offrait si naturellement ! 

Erasme préparait une édition de Flavius Josèphe pour les Froben , et il faisait 
rechercher partout les manuscrits qui pouvaient contribuer à l'établir. Il avait appris 
que Jean de Pins, l'érudit évêque de Rieux, en possédait un, et il lui avait écrit pour 
l'avoir. 

a ... Les Froben viennent de suer sang et eau pour restituer le texte de Flavius Josèphe, 
historien célèbre entre les premiers; mais nous l'avons trouvé altéré sans remède, à moins 
d'avoir recours à l'original grec. Assurément Rurin (l'ancien traducteur de Josèphe en 
latin) ne traduit jamais rien consciencieusement, mais beaucoup d'autres encore paraissent 
s'être fait à leur manière un jeu de cet auteur. Il en existe, à ce qu'on nous a dit, un 
manuscrit grec dans votre bibliothèque. Si vous consentez à nous le prêter pour peu de 
mois, vous vous attacherez non seulement notre reconnaissance, mais encore celle de tous 
fes savants. Le livre vous reviendra sain et sauf, et pour le jour que vous aurez fixé, sans 
la moindre avarie '.. » 

L'envoyé d'Erasme était chargé de lui apporter le manuscrit. 

Flavius Josèphe inquiétait et rassurait à la fois par ses obscurités. C'est un de ces 
historiens qui disent beaucoup de choses à mots enveloppés, et à qui on peut en faire dire 
encore plus en les pressant. Il était à la fois un espoir et un effroi. On en avait donné 
des traductions latines et françaises, toutes suspectes d'infidélité, et, comme il était le seul 
juif qui eût parlé de Jésus-Christ en langue grecque, on se demandait ce que ces pêcheurs 
de manuscrits pourraient bien ramener dans leurs filets. Car on se défiait surtout des 
traducteurs des premiers âges, comme Rurin d'Aquilée, qu'on soupçonnait fort capable 
d'avoir •< tripatouillé » le passage relatif à l'homme-Dieu dans le sens de l'Église. 

Comment sut-on qu'Érasme avait demandé le Flavius Josèphe de Pévêque de Rieux? 
Jean de Pins, malgré son âge et son rang, fut mandé devant le Parlement de Toulouse, 
et presque prévenu d'entretenir une correspondance criminelle avec les novateurs. Pour 
toute réponse, il rit voir aux conseillers la lettre d'Érasme, et il les eut embarrassés 
davantage en leur montrant le Flavius Josèphe qui provenait, paraît-il, delà bibliothèque 
de Philelphe et que son ancienneté rendait indéchiffrable. Ce fut le prélude des pour- 
suites dirigées contre Boysson et Caturce, lequel fut brûlé : on voulait frapper en haut. 

Cela ne refroidit pas Georges d'Armagnac, évêque de Rhodez. qui, lui aussi, possédait 
un manuscrit de Josèphe et voulait le faire passer à Érasme. Puisque l'ami Rabelais était 
à Lyon, il s'en chargerait bien, lui ! 

On s'étonne de ne pas trouver dans la correspondance d'Érasme un mot de remercie- 
ment pour Rabelais ou tout au moins pour d'Armagnac : en effet, le Josèphe est arrivé 
à bon port avec la lettre qui l'accompagnait. Érasme le remit au bon, gros et lourd 
Si^ismond Gelenius qui corrigeait à Baie chez les Froben, et que son poids seul eût suffi 
à retenir près d'eux. Ce tonneau, plein de savoir, avait pris (orme à Prague, puis d'uni- 

i. Erasmus Roterodamus Episcopo Rivensi S. Friburgi Brisgoae, i3 décembre i53i . ... n Sudatum 
est pridem a Frobeniis iri restituendo Josepho historiographe) cum primis celebri, sed comperimus illum 
insanabiliter depravatum, nisi ipsuin grsece loquentem adhibeamus. Ruffinus quidem nih.il unquam vertit 
bonâ ti.lc, sed in hoc autore yidentur multi suo lusisse arbitrio. Eum accepimus in tua bibliotheca 
grascum esse, cujus codieis si nobis ad paucos menses copiam facere non gravaberis, non nos tantum 
sed universos ctiam studiosos isio beneficio tibi reddideris obstrictos. Liber ad te redibit incolumis, 
atquc adeo ill.esus, ad quemcunque dieni tu prescripseris. .. >: [Epistolarum libri XXXI, liber XXV, 
.àpistola '}. Londres, [642, in-fol. . 



RABELAIS A ÉRASME i 7 

versité en université, avait roulé jusqu'à Râle et là, devenu énorme, était resté au milieu 
de l'imprimerie d'où il ne pouvait plus sortir. C'est Gelenius qui préparait le Flavius 
Josèphe des Froben. Dès qu'Erasme eut reçu le manuscrit que Rabelais lui tit tenir à Fri- 
bourg-en-Rrisgau, il l'envoya à Gelenius qui sua dessus toute l'année 1 5 3 1 sans toutefois 
rien y laisser de sa graisse. L'édition parut au mois de janvier 1 33^, précédée d'une épitre 
explicative. 

Voici le passage où Erasme, par la plume de Sigismond Ghelen, accuse réception du 
manuscrit à d'Armagnac et conséquemment à Rabelais : 

;< Nous en avons été réduits à collationner les Antiquités sur les anciens textes latins 




JEAN FROBEN, LE GRAND IMPRIMEUR B A LOIS. 

faute de grecs... Quant aux sept livres de la Guerre judaïque, nous l'avons fait sur deux 
manuscrits grecs, qui nous ont été prêtés, Vun par Georges d'Armagnac, Véminent évëque 
de Rliodei, l'autre par le très docte Jean Crotus; et grâce à eux nous avons pu redresser 
tant de fautes qu'il est plus facile au lecteur de s'en faire une opinion dans chaque page, 
qu'à moi de compter toutes les restitutions ainsi obtenues '. » 



i. C'est à tort qu'on attribue l'édition du Flavius Josèphe de i5?4 à Erasme seul : il n'en a revu 
qu'une toute petite partie, le livre des Macchabées. En voici le titre : Flavii Josephi Antiquitatum judaï- 
carum libri XX; De Bello judaico lihri Vil; Contra Apionem Hhri 11: De Impevio rationis sive de Macha- 
beis liber unus Des. Erasmo roterodamo recognitus. (Basile»; in officina Frobenianâ, anno MDXXXIIII, 
in-fol.) Le reste a été collationné par Gelenius. 

« Antiquitatum interpretationem ad vetera cxemplaria latina duntaxat, ob Graecorum inopiam con- 
tulimus... Hos autem VII libros ad duos Gill-cos Codices, unum ab ornatiss. praesule Geor^io Arminiaco, 
Rutenorum Episcopo, alterum ab eximie docto viro Ioanne Croto, exhibitos, contulimus : lnsque adjuti 
tôt mendas sustulimus, ut facilius sit lectori ex unius cujusvis paginas collatione de ea re existimationem 
facere, quam mihi munia loca restituta annumerare , « Basilea;, calendis januariis, i5.iq 



18 UNE LETTRE FAMEUSE 

Si nous avions eu L'idée les uns et les autres de suivre jusqu'au bout la piste du Fla- 
vius Josèphe, nous aurions eu la preuve décisive, irréfutable, presque matérielle, que 
Rabelais s'adresse à Érasme, et non à Salignac, dans la fameuse lettre de novembre r53 2 . 

Cette preuve nous attend. patiemment depuis i5? 4 , imprimée en caractères magni- 
fiques par Froben. Nous h'avons délaissée pour des dissertations qui auraient été avanta- 
geusement remplacées par le jeu de bouchon ou la pèche à la ligne, et de plus nous avons 
eu la tristesse de voir que l'on pouvait être trompé par un théologien. 





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MAP 


S DEC 13 1998 
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13 DfcC. 1991 


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